Autorisation de Stationnement
Objet de la décision
Le cabinet GOLDWIN, représenté par l’associée du département de droit public du Cabinet, Maître Olivia ZAHEDI, a obtenu l’annulation de deux autorisations de stationnement ayant fait l’objet d’une falsification par le maire d’une commune afin d’en faire bénéficier un particulier qui n’était plus en mesure de les obtenir.
Dans cette affaire, le maire avait antidaté les autorisations de stationnement afin de contourner la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 qui était venue interdire l’attribution de plusieurs autorisations de stationnement à un même exploitant.
Le recours formé devant le Tribunal administratif de Marseille avait ainsi pour objet :
1/ de déclarer les autorisations de stationnement litigieuses nulles et de nul effet ;
2/ d’annuler la décision implicite par laquelle le Maire avait rejeté la demande de leur retrait.
L’exploitation d’un taxi en qualité d’artisan étant conditionnée à l’obtention d’une autorisation de stationnement, Mme X avait adressé au Maire de la commune le 22 janvier 2012 une demande visant à l’attribution d’une seconde autorisation de stationnement.
Compte tenu des délais d’attente particulièrement longs, cette demande avait été examinée lors de la commission départementale des taxis et des voitures de petite remise du 25 septembre 2014, qui avait par ailleurs émis un avis défavorable à l’attribution d’une seconde autorisation.
Quelques semaines plus tard, la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur et codifiée à l’article L. 3121-1-2 du Code des transports était venue interdire l’attribution de plusieurs autorisations de stationnement à un même exploitant.
Pour autant, faisant fi de cette nouvelle loi, pourtant applicable, et de l’avis défavorable de la commission départementale, le Maire de la commune avait attribué à Mme X une seconde autorisation de stationnement.
Pour contourner la règlementation en vigueur, le Maire avait effectué deux faux en écritures publiques en antidatant à la date du 25 septembre 2014 :
- l’arrêté municipal portant instauration d’un quatrième emplacement de taxi ;
- l’arrêté municipal portant autorisation de stationnement d’un second véhicule équipé taxi.
Par une ordonnance d’homologation rendue le 18 juin 2019 par le président du Tribunal de grande instance de Digne-les-Bains et devenue définitive, le Maire avait été condamné pour ces faits à une amende délictuelle de 700 euros dont 400 euros avec sursis.
Informé du fait que Mme X exploitait toujours cette autorisation falsifiée de stationnement falsifiée, un syndicat professionnel de taxi avait adressé, par courrier du 6 août 2019, un recours gracieux au Maire afin de lui demander le retrait des arrêtés litigieux.
Faute de réponse de la part du Maire dans les deux mois suivants la notification de ce recours, une décision implicite de rejet était née le 8 octobre 2019.
C’est dans ces conditions que le syndicat a fait appel au Cabinet GOLDWIN.
Une procédure a été engagée par le Cabinet pour demander au Tribunal administratif de Marseille :
- à titre principal, de déclarer nuls et de nul effet les arrêtés municipaux litigieux du 25 septembre 2014 et la décision implicite de rejet de sa demande de retrait des deux arrêtés ;
- à titre subsidiaire, d’annuler cette décision et d’enjoindre au Maire de procéder au retrait des arrêtés litigieux.
Ce dossier appelait à développer plusieurs points de droit, sur lesquels il convient de revenir ici.
- En premier lieu, le Cabinet s’est attaché à démontrer la recevabilité de la requête
Il fallait pour cela démontrer tout d’abord l’intérêt à agir du syndicat professionnel de taxis, ce qui n’a pas posé de difficulté particulière dans la mesure où le syndicat est chargé, par ses statuts, de défendre les intérêts professionnels de ses membres.
Or, dans cette affaire, les agissements du Maire et de Mme X portaient incontestablement atteinte à la profession de taxi en délivrant à cette dernière une seconde autorisation de stationnement en violation de la loi du 1er octobre 2014.
Le syndicat des professionnels de taxis disposait donc d’un intérêt certain pour agir devant le juge administratif.
Il fallait ensuite démontrer que (i) la demande de retrait ainsi que (ii) la demande de déclarer nuls et de nul effet les arrêtés litigieux étaient en elles-mêmes recevables.
- Concernant la demande de retrait des arrêtés
L’article L. 242-1 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA) prévoit que l’administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits sur la demande d’un tiers que si elle est illégale et si l’abrogation ou le retrait intervient dans un délai de quatre mois suivant la prise de cette décision.
Dans la présente affaire, le Cabinet Goldwin avait adressé pour le syndicat professionnel de taxis un recours gracieux au Maire de la commune le 6 août 2019, après avoir appris que ce dernier était reconnu coupable de faux en écriture publique par l’ordonnance d’homologation du juge d’application des peines du TGI de Digne-les-Bains.
Les arrêtés litigieux ayant été pris par le Maire en 2014, la demande de retrait intervenait donc 5 ans après leur adoption, soit bien plus que le délai prévu par l’article L. 242-1 du CRPA.
Toutefois, le Code des relations entre le public et l’administration prévoit une dérogation à cet article, énoncée à l’article L. 241-2, selon laquelle un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré. Le Conseil d’Etat a d’ailleurs eu l’occasion de rappeler ces dispositions à de nombreuses reprises (CE, 16 août 2018, n° 412663 ; CE, 26 avril 2018, n° 410019 ; CE, 5 février 2018, n° 407149 et 407198).
- Concernant la demande tendant à déclarer les arrêtés nuls et de nul effet
Par ailleurs, il ressort d’une jurisprudence constante que lorsqu’un acte administratif est entaché d’un vice d’une gravité telle qu’il affecte non seulement sa légalité mais son existence même, le requérant est bien fondé à demander au juge de le déclarer nul et de nul effet (CE, 28 février 1986, n° 62206 ; CE, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 18 mars 2015, n°367491).
De plus, le syndicat avait adressé au Maire un recours gracieux aux fins de retrait des arrêtés litigieux.
Une décision implicite de rejet était ainsi née, en raison du silence gardé par le Maire, le 8 octobre 2019. Le syndicat disposait donc d’un délai de deux mois pour former un recours contentieux devant le Tribunal administratif de Marseille.
La requête du syndicat était donc en tout point recevable.
- En deuxième lieu, le cabinet s’est attaché à démontrer le caractère frauduleux des arrêtés municipaux
Les autorisations de stationnement délivrées constituaient des faux en écriture publique.
L’article 441-1 du Code pénal prévoit que constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques.
Selon l’article 441-2 du même Code, le faux peut être commis dans un document délivré par une administration publique aux fins d’accorder une autorisation, notamment.
Dans cette affaire, pour échapper aux dispositions de la loi du 1er octobre 2014 venant interdire l’attribution de plusieurs autorisations de stationnement à un même exploitant de taxi, le Maire a volontairement antidaté les arrêtés municipaux, ce qu’il a d’ailleurs lui-même reconnu.
La nature frauduleuse des arrêtés était donc manifeste.
En outre, à la suite d’une plainte pour faux en écriture publique déposée par le syndicat en avril 2018, le Maire avait été reconnu coupable de falsification des arrêtés par ordonnance d’homologation du juge d’application des peines du TGI de Digne-les-Bains le 18 juin 2019.
Cela étant, les arrêtés litigieux étaient de toute manière irréguliers dès lors qu’ils avaient été délivrés le 25 septembre 2014, soit préalablement à la notification de l’avis consultatif de la commission départementale des taxis et des voitures de petite remise, intervenue le 30 septembre 2014.
- En troisième lieu, le cabinet s’est attaché à démontrer l’illégalité de la décision implicite par laquelle le Maire avait rejeté leur demande de retrait des arrêtés litigieux
La falsification des arrêtés étant manifeste, le Maire était dans l’obligation de retirer les autorisations de stationnement frauduleuses qu’il avait accordées.
Par conséquent, il ne pouvait refuser de faire usage de son pouvoir de retrait desdits arrêtés.
Sa décision implicite de rejet était par conséquent entachée d’illégalité.
Ainsi, par décision du 11 octobre 2022, le Tribunal administratif de Marseille, considérant que les arrêtés du 25 septembre 2014 étaient entachés d’un vice d’une gravité telle qu’il affecte leur légalité et leur existence même.
Par conséquent, le Tribunal a jugé qu’ils constituaient des actes nuls et de nul effet et ne pouvaient être regardés comme ayant créé un droit acquis au profit de leur bénéficiaire, quand bien même elle aurait été de bonne foi, ni des tiers.
Il a par ailleurs estimé que, le retrait des deux arrêtés ne pouvant être regardé comme portant une atteinte excessive aux intérêts de la commune, elle était tenue de les retirer et que le refus implicite de retraits des arrêtés qui avait été opposé au syndicat devait dès lors être annulé.
Par conséquent, le Tribunal a annulé la décision implicite par laquelle le Maire a rejeté la demande de retrait des deux arrêtés datés du 25 septembre 2014 présentée par le syndicat professionnel de taxis.
En outre, le Tribunal a condamné la commune à verser au syndicat la somme de 2 000 euros au titre de ses frais d’avocats.
Olivia ZAHEDI