Qui possède les droits sur une œuvre générée par intelligence artificielle ? - GOLDWIN Avocats
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ChatGPT, MidJourney, DeepSeek… L’intelligence artificielle fait désormais partie du quotidien de nombreux internautes. Si ces technologies sont communément utilisées pour la génération  d’images, de vidéos, de textes ou autres tâches chronophages, peu d’utilisateurs sont conscients des conséquences juridiques liées à leur production. En effet, les intelligences artificielles sont entraînées sur des bases de données importantes d’œuvres préexistantes, qui leur permettent de produire à leur tour de nouveaux contenus. Certains pourraient être tentés de revendiquer la titularité des droits d’auteurs sur les contenus ainsi générés, mais sont-ils réellement protégés et à qui appartiennent les droits qui y sont attachés ?

 

Une œuvre générée par une intelligence artificielle est-elle protégée par le droit d’auteur ?

Le droit d’auteur est une forme de propriété de l’auteur portant sur les œuvres qu’il crée. Pour bénéficier de cette protection, l’œuvre doit consister en une création humaine de forme originale portant l’empreinte de la personnalité de son auteur. La protection couvre les œuvres littéraires, musicales, artistiques ou numériques procédant d’« une création intellectuelle de l’auteur reflétant la personnalité de ce dernier et se manifestant par les choix libres et créatifs de celui-ci » (Eva-Maria, CJUE, 1er déc. 2011, C-145/10). La jurisprudence s’est progressivement orientée vers une conception plus objective de la notion d’originalité qui est évaluée selon l’ « apport intellectuel propre » de l’auteur dans la création de l’œuvre, eu égard à l’avènement des bases de données et des logiciels (Cass., 17 oct. 2012, n° 11-21.641).

 

Si l’intelligence artificielle peut être considérée comme un outil au service du créateur au même titre qu’un pinceau, cette conception peut être remise en cause lorsque la machine occupe une place prépondérante dans le processus de création de l’œuvre. De nombreuses œuvres voient le jour d’un coup de prompt : l’utilisateur donne ses directives à l’IA, mais il ne réalise pas l’œuvre de ses propres mains.

 

Dans cette hypothèse, le régime des œuvres générées par une IA est assimilable à celui de l’art conceptuel, étant donné que l’exécution est assurée par la machine  : la protection est subordonnée à la substance du travail fourni en amont par l’utilisateur. Les directives qu’il aura formulées doivent faire état de choix libres et créatifs (pour l’art conceptuel : « faisant ressortir que l’approche conceptuelle de l’artiste s’est formellement exprimée dans une réalisation matérielle originale » Cass., 13 nov. 2008, n° 06-19.021). Les actes préparatoires qu’il aura opérés doivent refléter un degré d’intervention humaine suffisant pour lui permettre de revendiquer la protection du droit d’auteur. Ils concernent notamment le choix du logiciel, le contenu des directives formulées, ou les éventuels ajustements qu’il aura effectués sur le résultat généré.

 

La cour d’appel de Bordeaux avait jugé en 2005 qu’« une œuvre de l’esprit même créée à partir d’un système informatique peut bénéficier des règles protégeant les droits d’auteur, à condition qu’elle laisse apparaître même de façon minime l’originalité qu’a voulu apporter son concepteur » (CA Bordeaux, 31 janv. 2005, JurisData n° 2005-262987, à propos de plans d’unités de mise en bouteille mobiles créés à partir d’un système informatique). A contrario, la doctrine considère qu’en l’absence d’intervention humaine dans le processus de création, l’œuvre ne sera pas protégeable par le droit d’auteur.

 

En conséquence, la protection conférée par le droit d’auteur sur un contenu créé par une intelligence artificielle est subordonnée à l’originalité de l’œuvre en question, ainsi qu’à un degré d’intervention suffisant de l’utilisateur dans le processus de création.

 

A qui appartiennent les droits sur les éléments générés par une intelligence artificielle ?

La question de la titularité des droits d’auteurs sur le contenu généré par une IA demeure incertaine en France.

 

En droit français, le titulaire des droits d’auteur est en principe une personne physique (Cass., 15 janv. 2015, n° 13-23.566), de sorte que la qualité d’auteur ne peut être reconnue au robot lui-même, dépourvu de personnalité juridique.

 

En revanche, dans son rapport de 2020, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) envisage de désigner le concepteur de l’IA ou son utilisateur comme auteur des œuvres générées. Une partie de la doctrine est ouverte à reconnaître la qualité d’auteur au concepteur. L’autre partie reste prudente à cet égard, étant donné que l’IA produit le contenu indépendamment de la volonté et de la connaissance de ce dernier. Toutefois, le CSPLA considère que « la désignation du concepteur de l’IA apparaît comme la solution la plus respectueuse du droit d’auteur ».

 

L’utilisateur de l’IA est aussi envisagé en tant que candidat à la qualité d’auteur, à la condition qu’il effectue des choix créatifs dans l’élaboration du contenu, sans être assimilable à un simple commanditaire. Tel que la Cour de cassation l’a rappelé, « la qualité d’auteur ne peut être reconnue à la personne qui s’est limitée à fournir une idée ou un simple thème » (Cass., 8 nov. 1983, Bull. Civ. I., n° 260).

 

Les conditions d’utilisation de la plateforme OpenAI opèrent une cession au profit de l’utilisateur de tous ses « droits, titres et intérêts » sur le contenu généré à sa demande, étant précisé que cette cession ne s’étend pas au contenu généré par les autres utilisateurs, quand bien même celui-ci serait identique. Enfin, la plateforme se garde le droit d’utiliser le contenu généré pour « pour fournir, maintenir, développer et améliorer nos Services, nous conformer à la législation applicable, faire respecter nos conditions et politiques et assurer la sécurité de nos Services ». L’utilisateur a toutefois la possibilité de s’opposer à ce que le contenu qu’il génère soit utilisé à des fins de machine learning.

 

En l’état du droit français actuel, il n’est pas possible d’apporter de réponse propre à la question de l’IA, bien que le droit commun trouve à s’appliquer. Des positions divergentes peuvent également être observées à l’international. Le droit anglais confère la qualité d’auteur à la personne « ayant pris les dispositions nécessaires pour créer » une œuvre générée par ordinateur (Copyright, Designs and Patents Act 1988, art. 9.3). Les Etats-Unis refusent d’attribuer une telle protection aux œuvres générées par l’IA (United States Copyright Office, Case 1:22-cv-01564-BAH, 1er oct. 2023), tandis que la Chine l’a reconnu en 2023, eu égard à « l’investissement intellectuel de l’auteur lors de la création de l’image » (Beijing Internet Court, 27 nov. 2023).

 

Le cabinet Goldwin suit activement l’actualité juridique sur les sujets liés à l’intelligence artificielle et peut vous accompagner sur toute question de propriété intellectuelle. Notre équipe spécialisée est à votre écoute pour vous conseiller aussi bien sur la titularité et la portée de vos droits que sur la procédure judiciaire.

 

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